13.10.2025

Intime Conviction

Et si le chemin vers l'unité de l'Afrique était déjà en train de se dessiner, non pas dans les salles de réunion ou les parlements, mais dans les rues ? Dans « Intime Conviction », Samba Loum (Sénégal) réfléchit à la montée des mouvements citoyens qui façonnent une nouvelle vision de l'avenir de l'Afrique, fondée sur la conviction, la continuité et le pouvoir collectif.

 

Crédit photo : EyeEm

 

L’unité africaine des peuples est plus qu’un idéal : elle est en marche. Les mouvements Y en a marre à travers le continent ont réveillé les consciences critiques et insufflé une dynamique de transformation profonde. Ils ont engagé les masses dans un processus collectif de libération, redéfinissant l’espace public et le récit citoyen par de nouvelles méthodes de lutte. 

Ce récit n’est pas seulement celui d’une revendication ponctuelle ; il est à la fois citoyen et panafricain, car il confère aux populations le pouvoir de fixer les règles, de guider l’élite politique et de décider de qui mérite de conduire les destinées de leurs nations. Ces mouvements ont inoculé aux jeunes le sens de l’engagement, du panafricanisme et de l’autodétermination, transformant la contestation en un acte conscient et structuré.

Leur apparition sur la scène politique africaine a provoqué une véritable mutation. Leur force, souvent brutale et imprévisible, en fait des acteurs redoutables pour tout pouvoir abusif. Les régimes de Yahya Jammeh en Gambie ou de Blaise Compaoré au Burkina Faso en témoignent : les mouvements sociaux peuvent renverser des dictatures et imposer des changements spectaculaires. Mais leur force de contestation seule ne suffit pas à garantir des ruptures systémiques profondes et durables. 

Malgré leurs victoires, des interrogations demeurent : pourquoi ces mouvements ne se sont-ils pas politisés pour prendre directement en charge la gouvernance de leurs pays ? Possèdent-ils d’autres projets que la simple contestation ? Pourquoi restent-ils silencieux face aux politiciens qui s’approprient leurs discours et leurs stratégies pour asseoir une crédibilité populaire et accéder au pouvoir ? La réponse à ces questions est essentielle pour comprendre leurs perspectives, leur survie et l’avenir de leurs engagements.

Il est clair que ces mouvements sociaux doivent approfondir leur réflexion sur les finalités de leurs combats. Si le Balai Citoyen a permis de mettre fin au règne de Blaise Compaoré après 27 ans de pouvoir solitaire et abusif, et que ses militants continuent de subir marginalisation et oppression, il y a lieu de se demander ce que la lutte a véritablement produit.

Si Aly Thiam et le GOMSA BOPA en Gambie ont contribué à la chute de Yahya Jammeh, et que son successeur envisage déjà un troisième mandat, les leçons pour l’avenir sont encore à tirer. Si Y en a marre a empêché Abdoulaye Wade de briguer un troisième mandat, et que certains alliés soutiennent désormais la candidature de Macky Sall au-delà de ses mandats constitutionnels, la question des véritables acquis reste entière.

Ma conviction profonde est que ces mouvements sociaux portent une vision de société qui dépasse l’exercice du pouvoir. Ils sont les héritiers d’une dynamique panafricaine, visant à déconstruire les frontières coloniales et à construire l’Afrique unifiée, à la manière des idéaux de Nyerere ou de Nkrumah. Un tel projet ne peut se réaliser que sur le long terme, génération après génération, par la continuité et la transmission des savoirs et de l’expérience.

Il est essentiel de préserver cette continuité entre générations. Les militants plus expérimentés doivent rester dans les mouvements pour maintenir leur caractère apolitique et leur posture d’équidistance, tandis que d’autres doivent progressivement se politiser pour prendre les rênes des États africains. Les pouvoirs doivent être confiés à ceux qui ont véritablement compris le sens du militantisme, de l’engagement civique et du volontariat. Les élites issues de cette expérience seront les seules capables de placer l’intérêt général au cœur de la gouvernance.

Tôt ou tard, les convaincus prendront le pouvoir et instilleront une rupture systémique durable. Les bases sont posées : la détermination, la conscience citoyenne et le désir d’autonomie ont été inculqués aux masses. Il reste à éduquer et mobiliser davantage de jeunes, à les intégrer dans un agenda commun et à leur permettre de lutter efficacement contre les systèmes coloniaux encore en place.

La rupture est déjà amorcée, et il ne fait aucun doute que ses acteurs guideront l’Afrique vers sa dignité et sa juste place dans le concert des nations. L’heure de la liberté a sonné. Le changement de paradigme est en marche. L’Afrique s’élèvera par ses propres forces. Les mouvements Y en a marre ont montré aux jeunes la voie de l’autodétermination, éveillé leur soif de changement et complexé les systèmes oppressifs. Ces jeunesses, désormais conscientes et déterminées, reprendront leur destin en main, libres de toute manipulation ou populisme.

L’Afrique ne connaîtra un véritable changement que par ceux qui ont saisi la portée de l’engagement civique et citoyen. Défendre l’intérêt général reste la raison d’être des mouvements Y en a marre, qui ont impulsé la conscience collective des masses critiques du continent. Pour qu’une rupture systémique s’instaure, l’action des élites africaines doit être guidée par ces principes fondamentaux.

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